(Répétition technique)
Le président syrien par intérim Ahmed al Charaa a accusé jeudi Israël d'essayer de fracturer la Syrie et a promis de protéger les Druzes, alors que les États-Unis, qui ont aidé à mettre fin à des affrontements communautaires meurtriers dans le sud du pays, ont dit ne pas soutenir les récentes frappes israéliennes.
Des dizaines de personnes ont été tuées cette semaine dans la province syrienne de Soueïda dans des violences opposant des combattants druzes aux forces de sécurité syriennes et à des membres de tribus bédouines sunnites, ce qui a conduit l'Etat hébreu à mener des frappes répétées afin de protéger les Druzes, minorité arabe bien intégrée notamment en Israël.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces gouvernementales syriennes se sont retirées de Soueïda, où un journaliste de Reuters a dit jeudi matin avoir compté plus de 60 corps gisant dans les rues.
Mais des combattants bédouins syriens ont lancé dans la journée une nouvelle offensive contre des combattants druzes à Soueïda, a déclaré à Reuters un commandant militaire bédouin. Il a dit estimer que la trêve ne s'appliquait qu'aux forces gouvernementales et non aux bédouins, présentant cette offensive comme destinée à libérer des bédouins détenus par des groupes armés druzes.
Les violences avaient pris une autre tournure mercredi, lorsqu'Israël a frappé la capitale syrienne Damas en exigeant le retrait des forces de sécurité syriennes du sud du pays. Le siège du ministère syrien de la Défense a été atteint, tandis que des frappes ont été signalées près du palais présidentiel.
D'après l'agence de presse officielle syrienne, Israël a également mené jeudi une frappe contre la périphérie de Soueïda.
WASHINGTON VEUT "PARVENIR À UN ACCORD DURABLE"
A Washington, le département d'Etat américain a déclaré jeudi que les Etats-Unis condamnaient les violences en Syrie et dialoguaient activement avec toutes les parties prenantes.
"En ce qui concerne l'intervention et les activités d'Israël, les Etats-Unis ne soutiennent pas les récentes frappes israéliennes", a dit la porte-parole du département.
"Nous sommes engagés diplomatiquement avec Israël et la Syrie aux plus hauts niveaux, à la fois pour répondre à la crise actuelle et parvenir à un accord durable entre les deux Etats souverains", a ajouté Tammy Bruce devant les journalistes.
Elle a refusé de dire si Washington soutenait Israël dans les opérations militaires jugées comme nécessaires. "Je ne vais pas parler de conversations futures ou passées. Nous avons cet épisode particulier à gérer (...) Nous avons été très clairs sur notre mécontentement (...) et nous avons travaillé très rapidement", a déclaré la porte-parole.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui s'est entretenu dans la journée avec Ahmed al Charaa, a reproché à Israël de tenter de "saboter le cessez-le-feu" obtenu la veille et de montrer "une nouvelle fois" que l'Etat hébreu ne voulait ni la paix ni la stabilité, que ce soit à Gaza ou en Syrie.
"Utilisant les Druzes comme un prétexte, Israël a élargi son banditisme en Syrie", a dit le dirigeant turc aux journalistes, décrivant Israël comme un "Etat terroriste".
"CRÉER LA DISCORDE"
Plusieurs pays de la région et du Golfe ont publié un communiqué commun dans lequel ils ont réaffirmé leur soutien à la "sécurité, l'unité, la stabilité et la souveraineté de la Syrie", rejetant toute ingérence étrangère dans le pays.
Ahmed al Charaa a accusé Israël de chercher à "démanteler l'unité" du peuple syrien, affirmant que son voisin avait "constamment visé notre stabilité et créé la discorde entre nous depuis la chute de l'ancien régime".
Il a également déclaré que la protection des citoyens druzes et de leurs droits était "notre priorité", et a affirmé, en s'adressant aux Druzes de Syrie, rejeter "toute tentative de vous entraîner dans les mains d'une partie extérieure".
"Nous ne faisons pas partie de ceux qui craignent la guerre. Nous avons passé notre vie à relever des défis et à défendre notre peuple, mais nous avons fait passer les intérêts des Syriens avant le chaos et la destruction", a-t-il déclaré.
Ahmed al Charaa a attribué à la médiation américaine, arabe, et turque le mérite d'avoir sauvé "la région d'un destin incertain". Une source de sécurité turque a déclaré qu'Ankara avait joué un rôle crucial dans l'obtention du cessez-le-feu.
Outre sa volonté de protection des Druzes, Israël est hostile au gouvernement islamiste intérimaire syrien, qualifiant ses dirigeants de djihadistes, et a frappé la Syrie à plusieurs reprises depuis la chute de Bachar al Assad en décembre dernier.
La Syrie a envoyé "son armée au sud de Damas, dans une zone qui devait rester démilitarisée, et elle a commencé à massacrer les Druzes. C'est quelque chose que nous ne pouvions accepter en aucune façon", a justifié le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu . "Il s'agit d'un cessez-le-feu obtenu par la force".
PLUS DE 250 MORTS RECENSÉS EN QUATRE JOURS
Le Réseau syrien pour les droits de l'homme a déclaré avoir recensé 254 morts en quatre jours de combats, parmi lesquels des membres du personnel médical, des femmes et des enfants.
Son directeur, Fadel Abdoul Ghany, a déclaré à Reuters que ce chiffre incluait des cas d'exécutions sur le terrain par les deux parties, gouvernementale et druze, mais également des Syriens tués par des frappes israéliennes et dans les affrontements.
Un journaliste de Reuters a vu des combattants du gouvernement piller et brûler des maisons au cours des violences de cette semaine, notamment lors de leur retrait de Soueïda au cours de la nuit.
Les forces de sécurité gouvernementales ont également rasé les moustaches des hommes druzes. Les cheikhs druzes et de nombreux autres hommes druzes portent la moustache comme un symbole d'identité religieuse et culturelle ayant une signification spirituelle.
Le Conseil de sécurité des Nations unies devait se réunir jeudi pour évoquer la situation, ont indiqué des diplomates.
"Le Conseil doit condamner les crimes barbares commis contre des civils innocents sur le sol syrien", a déclaré l'ambassadeur israélien auprès de l'Onu, Danny Danon. "Israël continuera d'agir résolument contre toute menace terroriste à ses frontières, en tout lieu et à tout moment".
La France, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a appelé "l’ensemble des acteurs à respecter strictement le cessez-le-feu, à garantir la sécurité des civils et à rétablir les accès humanitaires et la fourniture des services essentiels dans la région".
(Reportage de Timour Azhari, Suleiman al-Khalidi et Kinda Makieh à Damas, Humeyra Pamuk à Washington, Maya Gebeily à Beyrouth, Steven Scheer et Emily Rose à Jérusalem, Ahmed Elimam à Dubai, Muhammad Al Gebaly au Caire; version française Camille Raynaud et Etienne Breban, édité par Sophie Louet et Jean Terzian)
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